LES SIX ROMANS EN COMPÉTITION POUR LE
PRIX VICK DU ROMAN BULGARE DE L’ANNÉE
Vladislav Todorov
Dzift (Asphalte)
Éditions Janet 45

« L’histoire que je vais ici tâcher de raconter ‑ autant que mes forces et ma mémoire (dont je sens qu’elles me quittent rapidement) me le permettront ‑, a commencé il y a très longtemps, voilà près de vingt ans. Elle se termina lorsque je, le citoyen Lev Kaloudov Jéliazcov, fut relâché. À l’âge de trente huit ans, je pus enfin franchir le seuil de la prison centrale de Sofia dans laquelle j’avais purgé une peine pour meurtre et vol. J’avais intégré cette prison à une certaine époque historique et je la quittais à une époque complètement différente – la journée du 9 novembre les séparait. »
Vladislav Todorov
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Galin Nikiforov
Dobro Momtché (Le gentil Garçon)
Éditions Janet 45

« Le luxueux bâtiment du tribunal du district et des services du procureur du district était illuminé dans le crépuscule bleuté de l’hiver et ressemblait à un paquebot transocéanique ayant jeté l’ancre dans un port sombre. La fin de la journée de travail approchait et Pavel se tenait debout, près de la porte d’entrée, les bras derrière le dos. Fatigué plus que de coutume de ses ennuyants devoirs de portier, il regardait d’un air las l’énorme foyer de marbre et les caoutchoucs anémiques placés le long des murs en attendant les assistants du procureur du district, qui partaient toujours les premiers. »
Galin Nikiforov
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Guéorgui Ténev
Partién Dom (La centrale du parti)
Éditions Altera

« Dans la centrale du parti du réacteur, dans le réacteur de la centrale du parti – les regards d’autres hommes s’immiscent sous le couvercle retiré. Le monde entier connaît déjà tout sur Tchernobyl. Des éclairs étincellent et les télégrammes volent entre les capitales de la planète. Moscou finit par admettre mollement. Kiev porte le deuil sans le reconnaître officiellement. Dans notre pays, ils gardent le silence et le printemps se montre, sans panique. Ses lèvres cherchent les miennes et cherche à saisir ma poitrine échauffée. Elle veut me sauver afin, si possible, de corriger la faute que son père a commise. Le souvenir infantile dans les cheveux rasés invisibles me fracasse en poussière et me fait fondre, je laisse retomber mes bras. Cela la déçoit probablement, la douleur s’écoule de son corps mais elle comprend aussi : nous ferions mieux d’arrêter, cela vaudrait mieux pour nous deux. La chair bleue de mon long corps s’extrait des écoulements conquis. Je m’affale sur le dos tandis qu’elle reste à mes côtés. Nous baignons tous deux dans la sueur qui s’écoule à travers nos corps. Est‑ce que je l’aime ou est‑ce que je la hais ? – personne ne m’a encore jamais posé une question plus relative que cela. »
Guéorgui Ténev
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Maria Stankova
Trikrakoto Koutché (Le chien à trois jambes)
Éditions Janet 45

« Une route jaune. Bien entendu, elle est poussiéreuse, c’est un chemin de terre. Des deux côtés – des champs verts et un soleil dans le lointain. Énorme, orange, chauffant comme la fin du monde. Un, deux, trois, quatre … il peut en être ainsi. Il peut en être ainsi. Un cercle dans les blés qui ne sont pas mûrs, à moins que ce ne soit de l’avoine ou du seigle, peu importe. Les bras sont grand écartés et les jambes – légèrement ouvertes. Respire ! Trois sœurs sont assises … Depuis que ce conte de fées a été écrit, les trois sœurs sont assises à côté de la fenêtre et s’adonnent au filage. La même histoire ancienne se déroule. Dans les contes de fées, il n’y a pas d’autre option. Le droit de choisir n’existe pas. Ce qui a été écrit se grave dans l’espace et se fige. »
Maria Stankova
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Émilia Dvorianova
Zémnité Gradini na Borogoditsia (Les jardins terrestres de la Vierge)
Éditions Obsidian

Les jardins terrestres de la Vierge est un livre magnifique, peut‑être scandaleux pour certains, qui s’empare de l’esprit de l’Athos, le lieu interdit aux femmes, d’une manière unique en son genre. Après avoir fait passer ses personnages féminins par l’érotisme musical (Passion ou la mort d’Alissa) et à travers l’expérience de la catharsis éthique (Madame G.), le nouveau roman d’Émilia Dvorianova met en scène trois Maries tentant d’assouvir leur soif pour l’inaccessible. Dans les vicissitudes de l’intrigue, dans les vastes méandres que surplombe Sveta Gora (la sainte montagne), dans la recherche de Marie, qui a disparu, l’endroit dont l’accès est interdit (mais n’est‑il vraiment interdit qu’aux seules femmes ?) revêt progressivement sa signification, sa visibilité et sa substance.
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Palmi Rantchev
Anonimni Snaïpéristi (Les snipers anonymes)
Éditions Fama

Une nouvelle fois, le roman de Palmi Rantchev raconte ce qui se passe ici et maintenant, dans l’environnement hostile de la transition sans fin que connaît la Bulgarie avec tous ses méandres et toutes ses folies. Tout en ne s’inscrivant pas dans le flot des romans modernes, qui s’appliquent à décrire la vie criminelle d’une partie de la société bulgare, l’auteur utilise cet arrière‑plan afin de rendre encore plus absurde l’existence de son personnage qui a osé contredire et s’opposer à ce dont les médias et les politiques cherchent absolument à nous convaincre aujourd’hui. Alors baissez vos têtes et prenez‑en votre parti, car il y a encore pire.
Silvia Tcholeva
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